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Réunion-débat organisée par l'ISOC, le 12 mars 2001

Fête de l'Internet 2001

 

Pourquoi avons-nous été si peu nombreux à faire la fête de l'Internet 2001 ?

Et comment faire pour que le plus grand nombre soit présent l'année prochaine ?

 

Alors que la fête de l'Internet vient de prendre fin, chacun peut constater qu'en dépit du nombre croissant d'initiatives - plus de 1000 recensées sur le site officiel de la fête - ( www.fete-internet.fr ), cette édition 2001 a été marquée par une faible mobilisation des internautes et une certaine morosité.

La SOFRES vient par ailleurs de publier une enquête d'où il ressort que 67% des Français non encore connectés à l'Internet, déclarent ne pas vouloir le faire au cours de l'année 2001.

C'est dans ce contexte que le Chapitre français de l'Internet Society a pris la décision de lancer une réflexion sur l'accès à Internet en France. Si peu de Français connectés au réseau, autant de réticences : est-ce une question de prix, de qualité de services ?

Face à une fracture sociale et territoriale qui risque de priver les plus démunis, les plus éloignés des centres urbains et les moins technophiles d'un espace nécessaire de connaissance et d'échanges, l'ISOC a ouvert le débat le 12 mars 2001 en présence de :

  • Olivier ITEANU, Président de l'ISOC France,
  • Odile AMBRY, vice-présidente de l'ISOC France, journaliste et co-fondatrice de www.tocsin.net et animatrice du débat.
  • Olivier HENRY-BIABAUD, directeur de SOFRES Interactive qui a réalisé un sondage sur les attentes des Français en matière d'accès à Internet
  • Stéphane LELUX, directeur de TACTIS, cabinet ayant réalisé une carte de l'ADSL en France
  • Bertrand PENN, Président de LUCCAS &endash; les utilisateurs du cybercâble,
  • Alain ETCHEGOYEN, Philosophe et auteur de nombreux ouvrages et de tribunes libres sur la nouvelle économie.

Olivier ITEANU a introduit cette réunion-débat en indiquant qu'elle constituait le point de départ d'une réflexion qu'entend mener l'ISOC sur la question de l'accès à Internet, notamment en créant des groupes de travail permanents. L'idée de la création d'un Observatoire de l'accès à Internet fait son chemin au sein de l'ISOC.

Olivier HENRY-BIABAUD, directeur de Sofres Interactive, directeur de Sofres Interactive, a présenté les résultats d'un sondage réalisé fin janvier 2001 sur les attentes des Français en matière d'accès à Internet.

Selon lui, une " vraie question se pose : pourquoi 30 à 35 millions de Français n'ont pas aujourd'hui accès à Internet en France ? Pour comprendre, la Sofres a réalisé une étude auprès d'un échantillon de Français répartis en sous-catégories (les internautes, les connectés à domicile, les intentionnistes c'est-à-dire ceux qui pensent se connecter dans les 6 prochains mois, et les non internautes). "

Le sondage révèle que " la question de l'accès à Internet ne se limite pas à l'équipement en terme d'ordinateurs. En effet, seuls 18% des sondés se disent intentionnistes , alors que les Français sont conscients de l'importance d'Internet : 83% des personnes interrogées pensent qu'Internet a pris une place très importante dans la vie de tous les jours, tandis que 90% estiment qu'il est important pour l'avenir des jeunes qu'ils puissent se connecter à la maison. "

 " Le coût de la connexion doit diminuer, car Internet est perçu comme étant trop cher. Près de 90% des sondés considèrent que payer sa connexion à Internet en fonction de la durée renforce les inégalités sociales.".

Concernant les formules actuelles d'abonnement : " Les Français attendent une simplification des formules actuelles et s'expriment en faveur des formules tout compris : plus de 85% prônent les forfaits tout compris illimités, dont le prix doit se situer autour de 100 par mois. Le développement de ces formules aurait un impact sur le souhait de se connecter et la durée de connexion, et permettrait de développer de nouveaux types de comportements tels que le e-lèches vitrines et donc le e-commerce. "

Stéphane LELUX, directeur de TACTIS, a présenté la première carte de France de l'ADSL, plus précisément de la couverture potentielle à l'horizon mai 2001.

 " Réalisée à partir de données fournies par France Télécom en janvier 2001, cette carte montre une grande inégalité dans l'accès des populations à l'ADSL. En effet, seuls 22 millions de Français (moins de 9 millions de foyers) sont dans une zone où l'ADSL est disponible, correspondant aux régions les plus denses en terme de population. Ainsi, les départements de la région parisienne, de Rhône-Alpes ou des Alpes-Maritimes sont les mieux couverts en % de la population. Parmi les départements les plus mal défavorisés figurent notamment ceux du Massif central.  " Avec ces technologies et l'environnement réglementaire actuel, nous n'allons pas vers une couverture totale de la France. A terme, 25% de la population ne pourra disposer de l'offre de France Télécom, soit 12 à 15 millions de Français. "

En résumé,  " l'objectif d'une couverture " haut débit pour tous " passe par une mobilisation de l'ensemble des acteurs et l'utilisation combinée de diverses technologies. "

Répondant à une question de la salle sur le développement de l'UMTS, Stéphane Lelux a tenu à préciser qu'" il ne faut pas toujours vouloir substituer l'existant par des nouvelles technologies. Internet doit déjà se développer avec les technologies installées grâce à une segmentation/stratification successives des différentes technologies disponibles. "

Bertrand PENNE, président de Luccas, a présenté la vision et l'opinion des clients de Cybercâble, aujourd'hui Noos.

" La Lyonnaise annonce 80 000 abonnés par Noos, afin de redorer le blason de Cybercâble. Il n'existe pas aujourd'hui d'offre pour les micro entreprises et les indépendants. De plus, il est impossible d'obtenir les factures détaillées ; il existe donc un fossé entre les promesses et la réalité. "

" France Télécom a également de grosses responsabilités en bloquant le jeu des opérateurs, et en freinant l'accès à Internet en France ".

" Il est important d'intéresser les gens à Internet, ses aspects culturels et intellectuels au-delà des objectifs commerciaux et du e-commerce car c'est avant tout un espace d'expression.

En conclusion ? " Il faut être sérieusement motivé pour ne pas se décourager. "

Alain ETCHEGOYEN a axé son intervention autour du discours habituellement développé sur Internet et qu'il juge " mauvais et frauduleux ". Il a abordé cette question selon trois angles de vues :

  • l'aspect communication : " Internet et la communication sont deux choses différentes. Jusqu'alors, quand on parlait des progrès des moyens de communications, on évoquait des choses qui permettaient aux gens de se rencontrer plus vite. Or Internet fait tout pour que les hommes ne se croisent pas. Le " village mondial " procède aussi d'une idéologie frauduleuse. Grâce à Internet, on échange un maximum d'informations en un minimum de temps ; dans un village, on échange un minimum d'informations en un maximum de temps !! Il est important de ne pas oublier l'importance du corps et ne pas donner d'illusion, en faisant croire que l'on peut faire l'économie de la rencontre. "
  • La nouvelle économie : " L'expression " nouvelle économie " a été créée par les financiers, en opposition à l'ancienne. En fait, la nouvelle économie est, comme les pommes de terre nouvelles, une économie qui vient d'apparaître. Elle n'élimine pas la précédente. Cette idéologie peut créer une division : en effet, l'ancienne économie ne s'oppose pas à la nouvelle économie, elle doit l'intégrer dans la plus grande urgence. "
  • Le client :"; dans toute entreprise, en particulier pour la nouvelle économie, le client est la référence majeure ; l'actionnaire est difficile à définir, en particulier pour des start-up dont l'intégralité du capital peut changer de mains en quelques jours. Et pourtant, on maltraite le client, il est totalement négligé. Toutes ses caractéristiques sont bafouée. Ainsi, le client est celui qui paie : dans la nouvelle économie, il y a peu de clients. Enfin, le client doit être libre : dans la nouvelle économie, le client est assez souvent assujetti.
    Dans l'ancienne économie, au contraire, le client est fondamental, car c'est désormais lui qui décide des fusions. "

Alain ETCHEGOYEN a par ailleurs insisté sur le fait que : " le véritable intérêt d'Internet est de différer le temps ; on répond aux e-mails quand on le veut ; on peut être là sans être là, profiter du village sans être dans le village mondial. L'existence dans sa temporalité est transformée. Internet permet de mieux vivre en apportant le confort de la gestion du temps. du temps. Il est donc important que chacun puisse en bénéficier ".

Pour conclure, Alain ETCHEGOYEN a remarqué que l'on ne parlera plus de " communauté des internautes ", lorsque tous les Français seront connectÈs. seront connectés. On utilise le mot " communauté " que pour des groupes minoritaires…

A propos de l'ISOC

L'Internet Society (ISOC) est une association à vocation internationale créée en 1992 par les pionniers de l'Internet pour promouvoir et coordonner le développement du " réseau des réseaux ". Elle est aujourd'hui l'autorité morale et technique la plus influente dans l'univers du Web. Ses membres sont des personnes physiques, réparties en 125 pays, et des organisations. Le Chapitre français de l'Internet Society www.isocfrance.org), créé en 1996 par Bruno Oudet, professeur à l'Université Joseph-Fourier de Grenoble, est présidé par Olivier Iteanu, avocat. Il a pour vice-présidents Odile Ambry, journaliste et cofondatrice de tocsin.net, observatoire des médias et des pratiques journalistiques, et Daniel Kaplan, consultant et délégué général de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING).

Odile AMBRY
oambry@tocsin.net